Mais que nous dit le rapport Bergeal ? – Tribune

Le rapport Bergeal est enfin dévoilé : que nous apprend-il ? Que l’attaque au droit d’instruire en famille est inconstitutionnelle, que strictement rien n’a changé dans la méthode des porteurs du projet de loi depuis le discours des Mureaux, et que l’objectif reste celui de l’étude d’impact, publiée fin novembre.

Les éléments de défense dans la réponse du Conseil d’État au Figaro tiennent de la farce. Ainsi, ce serait par “fatigue”, et à cause de l’heure tardive, qu’un rapport commandé par le Conseil d’État a été caviardé pour lui faire dire l’opposé de ce qu’il préconise. A-t-on le droit de sourire à la lecture de l’article ?

Il va de soi que les bonnes feuilles du rapport, remises par une source généreuse aux collectifs et associations de défense de l’instruction en famille, ont été immédiatement transmises aux députés et sénateurs en charge de la seconde lecture du projet de loi. Ils auront ainsi toutes les cartes en mains avant de se risquer à défendre une mesure législative qui, dès le premier jour, a souffert des doutes concrets de la plus haute autorité de contrôle préalable aux lois.

 « Les familles qui font bien l’IEF pourront continuer », martèle le ministre de l’Éducation. Selon lui, c’est un texte devenu de plus en plus “juste” au cours des débats parlementaires, et pour lequel les associations de famille ont été “consultées” par ses services. 

Belle consultation en vérité !

  • Seulement deux visio-conférences avec monsieur Senghor, conseiller spécial du Ministère de l’Éducation nationale, dont une achevée par une coupure de ligne hasardeuse au moment des questions posées sur les chiffres qui justifieraient cette mesure… 
  • Un courrier des proches conseillers de monsieur le ministre où les parents instructeurs sont évoqués comme des “usagers de l’ief”. 

Pour monsieur Blanquer, on est usager de libertés fondamentales comme on est usager de la route, ou détenteur d’un permis de bâtir. Arguments fragiles pour soutenir le besoin gouvernemental de mettre fin à un droit inaliénable : celui de poser librement un choix d’enseignement, avec pour seul mètre-étalon les objectifs d’instruction garantis par le socle commun de connaissances de compétences et de culture. 

Étrange manière d’envisager la liberté d’enseignement, fille de la liberté d’opinion et de la liberté d’expression, comme l’ont très justement pointé les associations de défense des droits de l’homme. Dans un projet législatif vantant les Valeurs de la République, on foule aux pieds le principe de liberté constitutionnelle et on intronise l’arbitraire d’une administration qui choisira d’accorder ou non son sésame. 

L’administration est-elle en capacité de garantir une impartialité totale dans la délivrance d’autorisation ? La bienveillance de la DGESCO vantée par monsieur Blanquer est-elle déjà une réalité à l’heure des procédures actuelles de contrôle ? Pour le savoir, nous sommes partis en quête des chiffres que le ministère n’arrive pas à produire. Nous menons donc actuellement un  grand sondage national sur le vécu des contrôles par les familles, dont voici  les premiers résultats.

Quelle sera la grille d’évaluation de l’administration si l’autorisation préalable est retenue ? Personne ne le sait. Quel sera l’organisme de contrôle de la justice des décisions ? Aucune idée. 

Mais nous ne sommes pas dupes : manifester une opposition politique ou une conviction philosophique ou religieuse  sera désormais un critère excluant pour être “usager” de sa liberté d’enseignement, dès lors qu’il s’agit d’instruction en famille. L’État, qui n’est plus à un paradoxe près en matière d’égalité, refusera dès lors à une partie des Français, ce qu’il autorise aux familles dont les enfants sont inscrits dans les écoles sous contrat à caractère confessionnel ou des écoles hors contrat dont les philosophies sont pourtant affirmées dès la plaquette de présentation. 

Ainsi, le ministre de l’Éducation entend  imposer progressivement aux 29 000 enfants instruits en famille, actuellement “hors critères gouvernementaux une scolarisation dans un établissement présentiel, de préférence en contrat de service, avec les programmes de l’Éducation nationale. Parce que des parents qui fondent un programme d’instruction moderne sur base du socle commun – ou des enfants qui s’échappent d’un système scolaire insuffisamment doté – pourraient démontrer que l’école n’est peut-être pas aussi “bonne pour tous les enfants” que la méthode Coué-Blanquer entend le faire accroire. 

La Commission spéciale de l’Assemblée Nationale se réunira du 7 au 10 juin dans les mêmes conditions que les précédentes étapes législatives : absence de chiffres, aucune preuve que les contrôles actuels  soient inefficaces, députés majoritaires qui abdiquent de leur libre arbitre et sabrent des libertés constitutionnelles en se rangeant derrière l’avis du chef de groupe centriste, maquillage de l’interdiction en autorisation selon des critères unilatéralement définis et sans garde-fou. 

Soit autant de signes du refus manifeste de dévier d’un pouce de la trajectoire fixée en Octobre 2020…

 

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