Les promesses de la loi séparatisme sur l’IEF

Instruction en famille : les familles “qui le font bien” doivent pouvoir continuer !

 

Octobre 2020 : le discours présidentiel des Mureaux choque les familles, annonçant, sans crier gare, la suppression de leur choix éducatif.
Puis des débats parlementaires   plus rassurants, et enfin la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel ont rétabli en août 2021 l’obligation d’étudier les demandes d’autorisation individualisées en s’appuyant uniquement sur les critères de qualité de l’enseignement.

 

Au printemps 2022, des familles demanderesses de l’autorisation, avec des projets éducatifs sérieux, se sont néanmoins vues opposer des refus massifs dans plusieurs académies – avec la complicité d’un ministère qui s’acharne contre l’intérêt  des enfants, en repoussant les limites imposées par le législateur et la Constitution.

 

Face à ce constat alarmant, notre collectif s’est joint à plusieurs associations pour demander la révision du décret d’application du volet éducation de la loi dite “séparatisme”. Le désarroi des familles est total. Peuvent-elles compter sur le Conseil d’Etat pour qu’il soit le dernier rempart aux tentations liberticides du ministère, ou faudra-t-il passer par une demande de révocation totale de la loi. 


Les promesses pendant les débats parlementaires de la loi séparatisme (loi confortant les principes de la république) semblaient claires : on lutterait uniquement contre la radicalisation. Jean-Michel Blanquer insistait d’ailleurs auprès des élus dans l’hémicycle :  “En réalité, les familles qui ne posent pas de problème au regard des critères de l’enseignement, ne seront nullement inquiétées pour leur choix de l’instruction en famille, elles pourront continuer à le faire conformément au principe de liberté auquel nous sommes très attachés !” 

 

Ainsi, les parents désireux de faire bénéficier à leur enfant de l’instruction obligatoire dans le cadre familial ont déposé pour la première fois une demande d’autorisation au printemps 2022, de bonne foi, souvent pour des enfants d’à peine 3 ans – assortie d’un projet éducatif étayé et personnalisé.

 

Contre toute attente, quelques semaines plus tard,  profitant de la norme floue introduite par le texte de loi et des imprécisions de son décret d’application, faisant mentir au passage la rapporteure Anne Brugnera qui prétendait dès le début des débats parlementaires : “Je vous remercie de cet amendement portant sur la question de l’harmonisation des critères d’évaluation des demandes d’autorisation (…) Votre demande d’harmonisation sera satisfaite par un décret en Conseil d’État, qui contiendra la liste de ces critères nationaux” ; plusieurs académies ont rejeté massivement les demandes sans la moindre justification.

 

Le ministère, bien loin de garantir les droits des enfants à être entendus dans tous les sujets qui les concernent, se comporte comme s’il préparait la fin de cette pratique éducative à court terme, dans un agenda personnel qui se préoccupe assez peu des textes légaux. Il  accompagne systématiquement chacune des académies concernées dans l’entrave des familles, même jusque devant les tribunaux administratifs, avec la stratégie d’y trouver le plus possible de jurisprudences qui lui seraient favorables.

 

Et si ce dogmatisme entêté ne suffit pas, il poursuit ces familles en cassation : des parents dont le seul combat consiste à demander la possibilité d’instruire à la maison leur enfant de moins de six ans, ou encore leur bambin en situation de handicap, tel que l’a garanti le législateur. 

 

Bien étrange vision de la lutte contre le séparatisme, en vérité. 98% des contrôles annuels de l’instruction des 40 000 à 60 000 familles qui  ont recours à l’IEF sont pourtant positifs. Nos études annuelles le démontrent, les propres rapports de l’inspection académique le confirment.

Le ministère tente par le sentier réglementaire d’élargir un pouvoir de décision qu’il n’a pas obtenu par la loi, s’agissant de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il essaie, par la surenchère juridique, de réduire drastiquement la responsabilité parentale à la base de la liberté constitutionnelle d’enseignement : celle de choisir le mode d’éducation qui convient le mieux à son enfant. Que penser alors du ministre Blanquer qui empreint d’une rare empathie à leur égard voulait lors des débats “dire [son] respect aux familles qui [l’]écoutent et qui sont parfois préoccupées par ces débats. (…) leur dire que, bien entendu, lorsque l’instruction en famille se passe bien, elles n’ont pas lieu d’être inquiétées.” ?

 

L’article 18 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant confirme pourtant que “La responsabilité d’élever l’enfant et d’assurer son développement incombe au premier chef aux parents ou, le cas échéant, à ses représentants légaux.”… tout comme la définition de l’autorité parentale dans l’article 371-1 du Code civil leur impose de “le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne”.. 


C’est au parent qu’il revient de définir si son enfant est suffisamment mûr pour entrer dans l’établissement à 2 ans ½, s’il a bien acquis la propreté et la sécurité affective. C’est lui qui a la responsabilité morale de protéger son enfant quand il suspecte un cas de harcèlement, lui encore qui doit choisir la pédagogie la plus adaptée en cas de troubles d’apprentissage ou de difficultés scolaires. C’est le parent aussi qui sait s’il doit choisir de le retirer de l’école en cas de mal-être, de manque de personnel d’enseignement, voire même en cas de problèmes d’hygiène ou de sécurité dans ou à proximité de l’établissement. 


L’État doit lui garantir un soutien solidaire.
Il ne se pose pas en censeur des libertés éducatives. 

 

Il ne revient pas au personnel du ministère de l’éducation nationale de porter un jugement de valeur à l’égard des familles qui s’organisent pour profiter de leurs enfants pendant leurs plus jeunes années ou à l’occasion d’un congé sabbatique en famille. L’état n’a pas à fustiger le père ou la mère qui choisit de se rendre témoin des premiers apprentissages de ses enfants, tout en leur offrant une instruction, une socialisation et une ouverture sur le monde tout à fait honorables. 

 

Pourtant  le 23 novembre dernier pour défendre la position du Ministère en cassation, le rapporteur public du Conseil d’Etat a tenté la voltige sémantique pour justifier un rôle de censeur que ne lui a pas donné la loi : d’après lui, si c’est bien le parent qui connaît le mieux son enfant, ce serait tout de même du ressort de l’administration de savoir ce qui lui convient le mieux, sans même avoir jamais écouté l’enfant qu’elle n’a, en fait,  jamais vu.

Le Conseil constitutionnel n’a jamais validé une telle atteinte à la liberté de conscience des parents et à la liberté de choix d’enseignement. Ses commentaires législatifs de l’été 2021 avaient bien pour objet garantir la constitutionnalité du passage de l’instruction en famille d’un régime déclaratif à un régime d’autorisation. Ses réserves sur l’article 49 de la loi confortant les principes de la République devaient permettre de protéger la liberté d’opinion parentale, et en prémunissant les familles de tout arbitraire administratif, ou de compétition entre les différents choix d’instruction.

 

 On ne peut donc qu’être stupéfaits que les conclusions du rapporteur public réussissent à insérer en plus des 2 “seuls critères” constitutionnels d’analyse des dossiers (projet pédagogique adapté aux besoins de l’enfant pour lequel est demandé l’autorisation, et capacité du parent instructeur à accompagner l’enfant dans l’acquisition du socle commun de connaissances), un droit d’appréciation du meilleur intérêt d’un enfant inconnu du directeur académique des services départementaux de l’Éducation nationale, sans que ne lui soit fourni le moindre critère objectif et légal pour évaluer ce qui est le mieux pour lui. C’est inadmissible.

 

Pour la liberté des familles, pour les droits de l’enfant et pour ce qu’il reste du respect de la Constitution en matière de liberté de choix de l’instruction et des apprentissages, nous demandons aux juges du Conseil d’Etat de garder leur indépendance au moment de trancher sur l’interprétation du motif 4 d’autorisation. Un signal fort qui signerait la fin de l’abus de pouvoir du ministère de l’éducation nationale dans son entreprise de destruction silencieuse d’une des modalités historiques de l’instruction obligatoire. Un signal d’indépendance réelle, dans la continuité du rapport de la conseillère d’état Catherine Bergeal qui pointait, dès l’automne 2020, la disproportion d’une mesure d’interdiction de l’IEF par rapport à l’objet de la loi et s’inquiétait du pouvoir excessif que ce régime d’autorisation donnerait à l’administration.


Nous continuons d’espérer une décision qui empêche l’administration d’obtenir par des dispositions réglementaires extralégales la fin de l’instruction en famille qu’elle n’a pas obtenue par la loi.

Le collectif Félicia.

 Pour nous rejoindre : agir@federation-felicia.org

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